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LES ANCIENNES MESURES DE MARSANNE
Le système métrique, un des grands acquis de la Révolution, a lentement plongé dans l'oubli
la pléiade de mesures, fort diverses d'un village à l'autre, dont se servaient les anciens.
Trois toises différentes, quatre cannes et cinq aunes, pour ne citer que les unités de longueur
en usage dans la Drôme, étaient le reflet de multiples influences féodales, politiques,
religieuses ou commerciales au fil des siècles.
La définition des unités est parfois très floue et, dans bien des communes, des mesures
différentes se côtoient (voir tableau).
A Marsanne, "nous dirons que le poids dont nous nous servons est moindre que celui de marq
de deux onces par livre" écrit (1), en 1724, lr représentant de la Communauté d'habitants aux
autorités de Valence. Le "poids de marc", une de ces mesures les plus utilisées en France sous
l'Ancien Régime, repose sur une livre (16 onces) de 489,5 grammes.
Un demi-siècle plus tard, le 16 ventôse de l'An VI, Honoré Meilhon fils, président de
l'administration municipale du canton de Marsanne, adresse une missive comparable à
l'administration centrale de la Drôme (2). Il répond à un questionnaire envoyé à toutes les
communes pour préparer les indispensables tables de conversion entre les mesures anciennes
et le tout nouveau système métrique. "Le poids et l'aulne (aune) pour les dix communes du
canton sont les mêmes que ceux de Montélimar". (3)
On a perdu le poids public !
La jeune municipalité, ajoute Meilhon, "s'est empressée par le moyen des agents municipaux
à faire dans la maison commune la recherche des étalons des poids et mesures, je suis chargé
de vous annoncer que la perquisition a été infructueuse". On avait perdu le poids public.
Pour les grains, précise-t-il, la mesure est la même que celle de Crest, sauf à Marsanne, Saint-
Gervais, Cléon d'Andran et les Tourettes qui utilisent celle de Montélimar.
En 1724, on utilisait encore des mesures différentes selon qu'il s'agissait de blé ou d'avoine,
comme d'ailleurs dans bien d'autres villages en France à la fin du XVIIIe siècle : "Le septier
de bled pèse ordinairement cent huit livres (...) le septier de légumes pèse cent seize livres et
celui d'avoine cinquante à soixante livres".
En matière de vin, la mesure est d'abord définie par son poids avant d'être divisée en unités de
capacité. Ainsi, à Marsanne, la charge de vin pèse 264 livres (locales). La charge égale deux
baraux. Le baral est composé de quatre brochées, la brochée de six pots, le pot de deux pintes
et la pinte de deux feuillettes (4). Marsanne est la seule commune du canton à utiliser cette
unité, assure Meilhon, mais selon les relevés de l'administration centrale du département, la
mesure de Montélimar a également cours. Entre les deux localités, se rencontre la concurrence
du pot (2 pintes) de Sauzet !
Dans sa lettre, le maire de Marsanne en l'An VI, et futur juge de paix, s'abstient de préciser
quelle toise est utilisée pour les mesures agraires. Dans ses tables, l'administration centrale de
Valence retient, en 1802, la canne de Montélimar pour Marsanne.
L'auteur du texte de 1724 est plus précis : "Les mesures de longueur sont la cane ou la toise
composée de six pieds du roi qui font huit pans, on se sert encore de la laulne qui est
composée de cinq pans", soit une toise de 1,95 mètre et une aune de 1,22 mètre.