Page 111 - Tous les bulletins de l'association des" Amis du Vieux Marsanne"
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aux cris répétés de "Vive la République une et indivisible ! Vive la Montagne !". Chacun avait
               droit de parole après l'avoir obtenu du président, et bien des propositions furent faites. On les
               craignaient terribles, elles furent anodines.
                      On parlait beaucoup, on lisait des extraits de presse révolutionnaire, on chantait et on
               faisait imprimer des chants patriotiques, on applaudissait  aux victoires de la Convention ; on
               fit planter près de l'entrée un ormeau, arbre de la Liberté. On sollicitait parfois la municipalité
               pour des riens, tels que le battant de l'horloge à réparer afin que chacun arrive à l'heure aux
               séances, ou les bruits des enfants à faire cesser autour de la chapelle durant les réunions.
                      La  motion  plusieurs  fois  reprise  et  qui  tenait  au  cœur  de  certains,  était  celle,  assez
               utopique,  qui  réclamait  le  partage  du  territoire  de  la  montagne  entre  les  habitants.  Malgré
               vingt mouchards désignés en assemblée, aucun suspect ne fut heureusement signalé, excepté
               un femme qui fut jugée et punie parce qu’elle avait voulu empêcher les citoyens de glaner
               dans son champ." (Cahiers des procès-verbaux de la société populaire). En guise de punition,
               ses "glanes" furent confisquées et exposées dans la salle des séances à titre d'exemple.
               Les  actes  émanant  de  Robespierre  déclenchaient  toujours  les  acclamations,  mais  celui  qui
               déchaîna le plus d'enthousiasme, le plus de dynamisme, fut son rapport du 18 floréal An II,
               par lequel il décrétait l'existence de l'Etre Suprême et ordonnait qu'une grande fête lui soit
               dédiée le 20 prairial suivant.

                      Société  populaire  et  municipalité  réunies  se  surpassèrent  alors.  C'était  bien  là  une
               occasion rare de montrer son parfait attachement à la Convention, par la fête et non par le
               sang.  Elles  se  surpassèrent  donc  en  organisant  un  immense  défilé,  éloquent,  chantant  et
               coloré, suivi d'une ronflante cérémonie au temple de l'Etre Suprême, en l'occurrence l'église
               Saint-Félix, vide de tout culte depuis l'interdiction de ce dernier, et l'abdication forcée du curé
               et du vicaire en décembre 1793.
                      Ce fut une immense liesse populaire (voir document), mais aussi le chant du cygne
               local pour le régime de la Terreur, et pour Robespierre guillotiné le 28 juillet suivant.
                      "Robespierre tombé, on sut que la révolution n'irait pas plus loin. (...) Entre 1794 et
               1795, elle se fige, elle sera bourgeoise" (1) Marsanne pouvait alors faire son bilan tout en
               essayant de s'adapter au calendrier républicain, à l'usage des nouvelles mesures (voir article
               sur les mesures locales) et à l'emploi de nouvelles monnaies.
                      Les anciennes étaient devenues suspectes. Leur rareté, l’abondante invasion de fausses
               pièces, l'effondrement spectaculaire des assignats (papier-monnaie sans valeur) les firent mal
               accepter. On pensa alors à une vraie valeur d'échange, à une monnaie vivante, universelle : le
               blé. Presque partout récolté, jamais refusé, il devint dans la Drôme d'un usage courant. Il a
               toujours cours aujourd'hui où certains baux ruraux s'établissent encore sur des évaluations en
               quintaux de blé.

                      Toutes  les  cloches  des  édifices  religieux  avaient  été  fondues  pour  faire  des  canons.
               Fondue  aussi,  et  pour  cinquante  livres,  la  belle  argenterie  de  la  légende  des  Armes  de
               Marsanne. Celle formée d'une croix, de deux chandeliers et d'un "soleil" (ostensoir), portée
               disparue des écrits depuis 1714, et tristement retrouvée, victime des décrets du 3 mars 1791 et
               10  septembre  1792,  envoyant  à  la  fonte  l'argenterie  du  culte  (Arch.  Mun.  Registres  des
               délibérations).
                      Les biens déclarés nationaux étaient passés d'une main à une autre, excepté dans celle
               des pauvres. Les plus importants furent les biens ecclésiastiques, mis à la disposition de la
               Nation dès le 2 septembre 1789. Inventoriés et estimés par expertise du 21 septembre 1789, ils
               furent vendus aux enchères selon le procès-verbal du 23 février 1791 (Arch. Dép. Séries Q74
               et Q77 Marsanne). (voir tableau des estimations et acquisitions ci-après).

                      Les  mêmes  processus  d'estimation  et  de  vente  furent  aussi  appliqués  aux  biens  des
               émigrés.  C'est  ainsi  que  les  domaines  des  Berry  et  de  la  Grand'Grange  déclarés  biens
               nationaux  pour  avoir  appartenu  aux  frères  Moreton-Chabrillan,  émigrés  condamnés,  furent
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